Texte extrait du journal Le Soir du 24-08-2018
Pour l’année Bruegel, les Musées royaux des beaux-arts prévoyaient l’ouverture au public de la maison bruxelloise où l’artiste vécut jusqu’à sa mort en 1569.
Un beau projet enlisé dans les problèmes administratifs.
Ce devait être l’événement de l’année Bruegel en 2019, mais l’ouverture de la Maison Bruegel, dans le quartier des Marolles à Bruxelles, n’aura sans doute pas lieu. En cause, une lourdeur administrative qui paralyse de plus en plus de projets d’envergure dans le monde des institutions fédérales et dont cet épisode n’est qu’un des exemples les plus absurdes.
En 2019, l’année Bruegel célébrera en grande pompe le 450e anniversaire de la mort du peintre. À cette occasion, une multitude d’activités sont organisées en Belgique, mais aussi à Vienne où se trouve la plus grande collection de ses œuvres. Chez nous, les Musées royaux des beaux-arts prévoient la mise en va- leur des œuvres de leur collection. Avec six tableaux, ils possèdent en effet la deuxième plus grande collection au monde, derrière Vienne, de cet artiste mort jeune et n’ayant produit qu’une quarantaine de tableaux. Par ailleurs, une nouvelle publication sortira de presse, consacrée aux Scènes d’hiver de Bruegel, tandis qu’on pourra participer à diverses expériences virtuelles avec Bruegel Unseen Masterpieces, collaboration des Musées avec le Google Cultural Institute (vidéos immersives, plongée virtuelle dans son univers, écrans tactiles permettant d’explorer le cœur des œuvres…). Evidemment, de très nombreuses manifestations sont également prévues en Flandre et principalement à Anvers.
Une ouverture attendue
Mais le clou de cette année devait être l’ouverture de la Maison Bruegel, vénérable bâtisse située au 132 de la rue Haute à Bruxelles où Bruegel se maria, vécut, produisit quelques-uns de ses plus grands chefs-d’œuvre et mourut en 1569. Pour rénover le bâtiment et l’équiper avant son ouverture, les Musées royaux souhaitaient utiliser un million d’euros, empruntés à leurs propres réserves, pour financer une partie des travaux. (…)
A priori une opération sans risque vu la renommée de l’artiste et le battage médiatique qui sera fait durant les prochains mois autour du 450e anniversaire du peintre (…).
D’étape en étape, le projet a fini par être examiné en mai 2018 lors d’une réunion rassemblant les cabinets Zuhal Demir (Politique scientifique), Sophie Wilmès (Budget), Jan Jambon (en charge notamment de la Régie des bâtiments) et Ben Weyts (Toerism Vlaanderen) ainsi que trois membres des Musées royaux. Une réunion à l’issue de laquelle force fut de constater que les délais impartis, tenant compte du temps qu’il fallait encore prévoir pour un passage en conseil des ministres fédéral, devenaient trop serrés.
Adieu le beau rêve d’une Maison Bruegel ouvrant pour l’année anniversaire.
Du côté des Musées royaux, on se désole de cette fin absurde. (…)
Si elle n’ouvre pas en 2019, la maison Bruegel continuera de se dégrader.
Un fragile espoir
Des dérogations ont en effet déjà été accordées, notamment au Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren pour le quel toutes les autres institutions scien tifiques ont dû céder 1 % de leur budget afin de mener à bien la fin des travaux actuels. Ici, apparemment, aucune solution alternative n’a été proposée et on s’achemine vers un abandon momenta né du projet, les subsides de Toerism Vlaanderen étant recyclé pour d’autres activités organisées avec les Musées royaux autour de l’artiste (…).
En 1988, les Musées royaux des beaux-arts bénéficient d’une aubaine dont rêvent bien d’autres institutions.
Irène Van der Meiren leur confie une collection de plusieurs dizaines de tableaux et dessins anciens ainsi que de l’argenterie, des bronzes, céramiques, etc. Rassemblés dans une salle et une galerie, les tableaux portent tous la mention : « Donation Docteur et Ma- dame Frans Heulens-Van der Meiren, Bruxelles, 1988 ».
Une donation en plusieurs étapes
Faisant suite au décès de Frans Heulens en 1977, cette donation est célébrée en grande pompe.
Près de 20 ans plus tard, en 2007, son épouse lègue aux Musées royaux la Maison Bruegel située rue Haute 132 à Bruxelles. On ignore si le peintre y a vraiment vécu mais on la nomme ainsi depuis toujours. Et diverses recherches permettent en tout cas de certifier que la maison a bien existé avant la naissance du peintre et qu’il y a probablement séjourné. Aban donnée, elle a été sauvée par Frans Heulens qui l’a fait restaurer dans les années 60 avec l’aide des Monuments et Sites. Sa veuve lègue en prime plus d’une centaine d’objets de l’époque de Bruegel qu’on retrouve sur les tableaux de celui-ci. Un véritable trésor qui permet d’envisager, pour 2017, l’ouverture d’une Maison Bruegel entièrement restaurée. (…)
Le projet est donc bloqué alors que les sommes nécessaires sont bel et bien disponibles. Le plus absurde étant que la somme allouée par Toerism Vlaanderen, avec lequel les Musées royaux poursuivent la recherche de solutions alternatives, ne peut l’être que dans le cadre de l’année Bruegel. Si le projet était remis sur les rails dans deux, cinq ou dix ans, il serait donc, cette fois, entièrement à charge du fédéral. ■
JEAN-MARIE WYNANTS